Bouclier de lumière

Publié: 22 avril, 2024 dans Bonheur, Société
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J’ai l’habitude de faire de tour de tous les médias d’information tôt le matin. C’est une habitude qui date de très longtemps et qui me donne l’impression de savoir ce qui se passe sur la planète. De façon générale, savoir me rassure, dans la mesure où je peux établir une certaine crédibilité à un fait, en vérifiant les sources, un peu à la façon d’un journaliste amateur.

Pourtant, ce matin, en faisant le décomptes des bonnes et des moins bonnes nouvelles, j’ai eu un gros soupir. C’était un peu déprimant et je me suis demandé si ça valait autant la peine, de lire ainsi toutes ces nouvelles pas si positives. On dirait que pour les médias en général, les mauvaises nouvelles font meilleures presses que les bonnes. Ou alors, c’est que les choses vont vraiment mal, mais bon.

J’ai donc décidé de me construire un bouclier de lumière que je pourrai dresser devant moi au besoin et sur lequel rebondiront toutes les mauvaises nouvelles, mais qui laissera filtrer les bonnes nouvelles.

Je vais le mettre à l’épreuve aujourd’hui!

Voici un peu comment je me sens ce matin. J’ai juste envie de profiter pleinement de l’instant présent.

Frissons

Publié: 6 avril, 2024 dans Écriture, santé
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@Cami

En sortant de la douche, ce matin, alors qu’une fine buée recouvrait encore une partie du miroir, Sandrine s’était regardée de haut en bas, comme le font souvent les jeunes filles et un peu à la blague, avait demandé à haute voix: « Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle! ». Et alors, aussi incroyable que ça puisse paraître, son reflet lui a répondu très clairement: « Mais, Sandrine, c’est toi la plus belle! ». Une terrible peur s’était aussitôt insinuée en elle, alors que son reflet continuait à lui sourire avec cet éclat inquiétant dans les yeux. En panique, Sandrine quitta aussitôt la salle de bain, s’habilla en vitesse et décampa, laissant derrière elle son logement qui était peut-être maintenant hanté. Avait-elle activé, ou appelé une entité maléfique d’un autre monde? Était-ce une hallucination? C’était pourtant si vrai, si réel. Avait-elle été frappée par une psychose, un délire paranoïaque, voire une crise de schizophrénie?

Elle marcha sans but dans les rues de la ville, comme on fuit, à pas rapide, la tête basse et surtout sans oser regarder directement son reflet qui la suivait de bâtiment en bâtiment à travers la surface vitrée des commerces. Elle aboutit bientôt dans une impasse, au bout de la rue, face au fleuve, en bordure du port et décida de faire une pause pour réfléchir, en s’assoyant un instant, frissonnant de froid et de peur. Elle resta là un temps, puis deux, puis longtemps, sans trop porter attention au mouvement des navires ou aux cris des goélands, alors que les heures passaient. Le jour tomba doucement et avec lui, apparu son reflet au travers de la clôture vitrée devant elle.

Elle osa jeter un œil, craintive et son reflet lui sourit en disant: « Tu devrais rentrer à la maison Sandrine, tu vas prendre froid ».

Nous vivons dans une époque anxiogène. Climat, pandémie, économie, inflation, guerres, famine, crise migratoire, on a toujours l’impression d’être au bord d’une catastrophe et c’est quasiment anormal de ne pas ressentir de l’anxiété face à tout ce qui se passe présentement. Cependant, quand on y pense, l’anxiété est presque toujours induite par la peur de ce qui pourrait arriver. C’est de la projection. On se projette dans un avenir plus ou moins lointain et on imagine le pire.

Ici, le « plus ou moins lointain » mérite d’être mis en contexte. Il y a une différence importante dans la portée du temps entre par exemple, l’anxiété de ne pas savoir où prendre l’argent pour payer sa prochaine dose ou son prochain repas, celle de mourir quand on est en soin palliatif pour un cancer en phase terminale, celle de perdre son emploi face à une situation économique difficile ou encore la peur de voir sa maison submergée par les flots, à cause de la fonte des glaciers. Toutes ces raisons et combien d’autres génèrent leur lot d’anxiété et au quotidien, c’est la somme de toutes ces peurs qui nous créent cette boule au creux du ventre, dans la gorge ou ailleurs selon la façon dont elle nous affecte.

Pour dénouer ces nœuds et réduire son anxiété globale, il es possible de décortiquer nos peurs, une à une, et les classifier selon le temps qui nous sépare entre maintenant et le moment projeté où le pire nous frappera. Cette classification nous aide à catégoriser et prioriser nos peur, elle nous aide ainsi à déterminer si on peut agir maintenant pour améliorer la situation et mitiger l’impact du pire. L’action est un des bons moyens de réduire l’anxiété, puisque plutôt que de subir, on est en mode combat.

Si on constate, par ailleurs, que pour l’une ou l’autre de ces peurs, on ne peut personnellement rien y faire, à quoi bon s’en faire alors, je me le demande. Je pense, personnellement, que si on ne peut rien y faire, on devrait laisser cette anxiété à ceux qui peuvent agir et libérer celle-ci de notre lot quotidien, alléger nos épaules de ce poids qui nous rend inutilement plus difficile notre voyage ici-bas.

Par ailleurs, si on ne peut rien y faire, face à certaines situations, nous pouvons encore faire quelque chose pour alléger malgré tout notre quotidien et je parle ici de la gratitude.

La gratitude a sur l’anxiété, le même effet que l’hélium face à la gravité. Il nous rend plus léger.

Pratiquer la gratitude, c’est porter un regard attentif sur tout ce qui nous entoure et prendre le temps d’identifier tout ce qui nous fait du bien. Profiter d’une belle journée, du ciel bleu, du soleil qui nous réchauffe la peau, un câlin de son amoureuse, le sourire d’un passant, un mot gentil qu’on donnera ou qu’on recevra, prendre un café dans sa tasse préférée, écouter une série télé, lire un roman qui nous amuse, nous inspire ou nous diverti, s’entraîner, courir, marcher, se sentir en forme, chanter, fredonner sa chanson favorite, faire un grand ménage du printemps, laver les vitres de ses fenêtres ou sa voiture et apprécier le résultat, téléphoner à un ami, un frère, une sœur, un parent ou un enfant juste pour leur dire ou leur faire sentir qu’ils sont importants pour nous, bref, si on s’y met, je suis persuadé que chacun d’entre nous pouvons pratiquer la gratitude et se sentir bien, ne serait-ce qu’un moment.

Je vous souhaite une bonne journée.

Serendipité

Publié: 24 mars, 2024 dans Écriture, bêtise humaine, Science
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En s’inspirant d’une image et de certains faits véridiques, créer une fiction, juste pour le plaisir d’écrire.

Les découvertes scientifiques se font souvent par hasard ou par accident. On essaie un truc et il se produit quelque chose d’inattendu qui s’avère fructueux et qui mène à une application complètement différente de ce qui avait été prévu initialement. C’est ce qu’on appelle la sérendipité. Le velcro, le téflon, le post-it, la pénicilline, le viagra sont toutes des découvertes qui tombent dans cette catégorie.

Paul Jacovitch souffrait de DMD, l’acronyme pour la Dystrophie Musculaire de Duchenne. Cette maladie génétique avait été diagnostiquée chez lui alors qu’il était âgé d’à peine 3 ans, après de multiples fractures aux jambes et aux bras provoquées par des chutes anormalement fréquentes. Chez les personnes atteintes de cette maladie dégénérative, on constate une faiblesse musculaire générale et progressive, une contraction des muscles au niveau des articulations qui finissent par empêcher les coudes et les genoux de s’étendre complètement de sorte qu’avant leur 12 ans, ils se retrouvent en fauteuil roulant et que la plupart d’entre eux meurent avant d’atteindre 20 ans. C’est une terrible maladie.

Il n’existe pas de traitement contre cette maladie, même si l’année dernière, aux Etats-Unis, la FDA a approuvé la phase 1 des essais cliniques d’un premier traitement potentiel par thérapie génique. Les résultats ont été encourageants. Ceux de la phase 2 viendront un peu plus tard en 2024 et si tout va bien, on entreprendra la phase 3 qui permettrait possiblement la commercialisation d’un traitement 4 ou 5 ans plus tard, mais pour Paul, c’était trop peu, trop tard.

Paul avait cependant la chance d’être né dans une des familles les plus fortunées de la planète qui avait les moyens de trouver des solutions, imposer un rythme plus rapide à la recherche et qui ne s’empêtrait pas dans les considérations éthiques, de sorte qu’ils pouvaient sans s’inquiéter, développer et tester différents traitements dans des pays où on ne se pose pas trop de questions. La piste de la thérapie génique avait été retenue. Cette approche consiste à identifier sur le gène responsable de la maladie, la section d’ADN problématique, la remplacer par la séquence corrigée et réinjecter le tout dans l’organisme du malade à l’aide d’un virus qui se chargera de multiplier et répandre progressivement ces nouvelles supercellules qui à leur tour, se diviseront pour transmettre la bonne formulation d’ADN et ainsi éliminer la maladie dite génétique par remplacement cellulaire. C’est une approche révolutionnaire qui en est à ses balbutiement, mais qui a le potentiel d’éventuellement guérir définitivement la totalité des maladies génétiques.

Même si l’explication de la méthode est relativement simple, sa réalisation est terriblement complexe. Les différentes phases d’essais cliniques peuvent facilement s’étaler sur 10 ans et sont très coûteuses sans garantie de résultat. Pour des gens très fortunés, comme la famille de Paul, on se contente souvent de fixer un objectif à atteindre, une échéance et un budget illimité. Ils laissent les débats éthiques à des subalternes, qui prennent alors les moyens qu’il faut pour arriver au résultat souhaité, peu importe les dommages collatéraux. Il fallait donc un traitement pour guérir Paul avant qu’il n’atteigne les 6 ans, ce qui laissait 3 ans pour réussir.

L’équipe s’installa dans un pays que je ne nommerai pas, où on pouvait tester différentes thérapies géniques directement sur des enfants sans se soucier des différentes phases à respecter et où on pouvait facilement convaincre des gens de participer volontairement aux recherches en y inscrivant un de leurs enfants, moyennant l’assurance que le reste de leur famille serait mise à l’abri de la famine et de l’extrême pauvreté. Une solution gagnant-gagnant, si on veut être un peu cynique.

Le 5 septembre 2027, on arriva au résultat souhaité. La totalité des 156 enfants en bas âge ayant subit la thérapie génique No.64 avaient survécus et demeuraient sains, sans effets secondaires, 6 mois après le traitement. L’équipe célébra en grandes pompes ce succès incroyable et chacun d’entre eux put rentrer chez lui de façon anonyme après qu’on leur ai rappelé l’entente de confidentialité qu’ils avaient signée et en leur remettant un pactole qui les mettraient dorénavant à l’abri de tous soucis financiers pour le reste de leurs jours.

On administra le traitement à Paul et tout se passa bien dans les 6 mois qui suivirent, puis on détecta chez lui une hypercholestérolémie juvénile qui devint de plus en plus difficile à contrôler. On l’hospitalisa dans une clinique privée où une équipe de spécialistes suivit son état au jour le jour. Son cœur cessa malheureusement de battre le 10 novembre 2028. Pourtant, les 156 autres enfants à qui on avait administré le traitement étaient en parfaite santé, grandissait même plus vite que la normale et avaient développé une musculature impressionnante pour leur âge, de sorte qu’on ne comprit pas tout de suite, malgré les doutes, si c’était relié au pas au traitement.

La réponse vint plus tard, en comparant la totalité du code génétique des enfants et celui de Paul. On réalisa que dans ces pays d’extrême pauvreté, la sélection naturelle avait amené des mutations génétiques permettant de tirer le maximum du peu de nourriture ingérée, de sorte que tous ces enfants étaient porteurs de cette mutation qui les protégeaient contre l’hypercholestérolémie ayant tué Paul. La mutation induite par la thérapie génique fit également d’eux des surhumains, grandissant à un rythme ultrarapide, puisque leur corps pouvait absorber une quantité impressionnante de protéines et nourrir leur musculature toujours plus imposante.

Dévasté, la famille de Paul trouva tout de même moyen d’apporter une issue positive à cette aventure, en vendant la formule pour $3,4 milliard à l’armée américaine qui avait dorénavant tout en main pour créer leurs supersoldats.

Trophée

Publié: 16 mars, 2024 dans Écriture, Fiction
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@animoart

Le courage est un trait héréditaire qui n’a pas de genre, du moins c’est ce qu’en disent les historiens concernant la famille de Marie-Madeleine Jarret de Verchères, cette famille devenue célèbre au 17ème siècle en Nouvelle-France, notamment par les faits d’armes de cette jeune femme ainsi que ceux de sa mère, qui toutes deux participèrent à de violents combats à des époques différentes en arrivant même, presque seules, à repousser certaines attaques d’iroquois qui voulaient s’en prendre à leur famille et communauté. Les femmes de cette famille dégageaient une aura de force et de bravoure qui imposait chez leurs ennemis, le même respect que les hommes prenant part aux combats.

Au sein du peuple iroquois, on tenait le courage en haute estime, autant chez leurs guerriers que chez leurs ennemis. Savoir affronter la souffrance, ne jamais afficher sa peur, que ce soit face à la torture ou même en sachant sa mort probable est un acte courageux qu’ils valorisaient fortement et recherchaient également pour eux-mêmes. Après un combat victorieux, pour s’approprier la force et le courage d’un ennemi vaincu, les guerriers iroquois allaient parfois même jusqu’à manger le cerveau des combattants et ils s’emparaient systématiquement du scalp de leurs victimes parce que c’était là que résidait, selon eux, l’âme du mort, puisque les cheveux continuaient à pousser après leur décès.

Moins célèbre que sa sœur ou sa mère, Elisabeth Jarret de Verchère avait également hérité de ces mêmes gènes de courage et il lui arrivait régulièrement, au mépris du danger, de quitter seule le fort pour cueillir des plantes ou champignons dans les bois environnants. Elle le paya malheureusement de sa vie le 8 août 1694, quand elle fut attaquée et tuée par trois guerriers iroquois qui rodaient par là. Quand il revinrent au village, c’est avec fierté, que les guerriers exhibèrent son scalp en lançant un cri de victoire.

Venue d’ailleurs

Publié: 9 mars, 2024 dans Écriture, climat
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@Anonimart

Ils avaient baptisé leur voilier DOAL, un acronyme de « Dream Of A Lifetime ». Charles, Joséphine et leurs deux filles, Julia 8 ans et Émilie 1 ans, étaient partis pour un périple de deux années en mer afin de découvrir le monde. Leur rêve s’était brusquement arrêté le 25 octobre 2016, quand ils firent naufrage lors d’une tempête tropicale d’une rare violence à l’ouest des Iles Andaman, alors qu’ils étaient en direction de la Thaïlande. Grâce à leur canot de survie, ils purent rejoindre la rive d’une île située à quelques kilomètres de là, mais pour ajouter à leur malheur, il s’agissait de North Sentinel, cette petite île de 70 kilomètres carrés abritant un peuple guerrier totalement coupé du monde moderne qui n’hésite pas à tuer les intrus qui s’approchent de leur territoire. Charles, Joséphine et Julia y laissèrent malheureusement la vie, peu après avoir touché terre, mais par chance, Émilie conserva la sienne, en étant recueillie par une des femmes du clan ayant perdu récemment un enfant du même âge et qui voyait là un signe du destin.

Après plusieurs tentatives de rapprochement infructueuses, le gouvernement indien avait interdit 20 ans auparavant à qui que ce soit, d’entrer en contact avec le peuple Sentinelle, qui vivait en autarcie sur l’île, de peur qu’il ne soit décimé par un virus auquel sa population n’avait jamais été confrontée. Émilie grandit donc comme une Sentinelle et au cours des 8 années suivantes s’intégra au clan, appris leur langue, coutumes et traditions, tout en se sachant toujours un peu différente, notamment par la couleur de sa peau.

Sa mère adoptive lui avait expliqué que lorsqu’elle était toute petite, elle était venue de l’autre monde au delà de l’horizon et que son destin était, selon le chaman du village, d’établir un lien éventuel avec sa race d’origine pour sauver son peuple, quand se réaliserait, selon la prophétie, la disparition de leur île, submergée par les flots et dont les signes annonciateurs étaient de plus en plus présents.

Aussi, Émilie prit sa mission très au sérieux et régulièrement, s’installait sur la plage pour envoyer de grands signes aux navires passant au loin, en agitant un drapeau, constitué des lambeaux de tissu de ce qui avait été autrefois, sans qu’elle ne le sache, la robe de Joséphine. Sa race, lui répondrait un jour, le chaman le lui avait promis.

Cela se produisit en 2030. Avec la fonte des glaciers et l’accélération des changements climatiques, le niveau de la mer avait monté de 25 mètres et plus d’un milliards d’individus, particulièrement les plus pauvres, avaient dû quitter leur pays, leur maison, tout abandonner et devenir migrants, à l’intérieur des terres ou dans d’autres contrées situées plus en hauteur par rapport au niveau de la mer. L’île North Sentinel, pour sa part, avait beaucoup rétrécie, ses plages avaient reculé de plus de 500 mètres et le peuple Sentinelle, menacé, avait dû déménager le village plus haut dans les montagnes. Il était temps que la prophétie se réalise.

Quand l’équipe de sauvetage, pilotée par le gouvernement indien, accosta sur l’île North Sentinel, à la grande surprise des sauveteurs, Émilie vint les accueillir avec différents présents, colliers et paniers de nourriture, accomplissant ainsi sa mission. Sans trop comprendre pourquoi cette jeune fille blonde aux yeux bleus était là, ils comprirent qu’elle venait d’ailleurs.

Où est Charlie

Publié: 2 mars, 2024 dans Écriture, bêtise humaine, Politique
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@Pawel I

Le visage sévère, regardant le sol, William Burns, directeur de la CIA arpentait la pièce sans fenêtre depuis trois minutes, cherchant les bons mots pour s’adresser aux huit individus en complet-cravate qui se tenaient là sans bouger. Il posa sur chacun d’eux un regard intense, pour bien marquer le sérieux de la situation.

« J’ai souvenir d’une époque, commença-t-il, où on circulait densément dans les rues, les uns contre les autres, en toute insouciance, avec plaisir et sans s’inquiéter d’une possible infection virale ou d’une attaque terroriste. Cette liberté a été durement acquise et maintenue par la vigilance, les actions secrètes et souvent controversées d’unités spéciales, guidées par des objectifs visant coûte que coûte à maintenir la stabilité et la pérennité de notre système politique. »

Il fit une pause et repris: « Charlie Goodwind est l’un de ces agents, formé, compétent, droit, un homme d’actions qui comprend bien son rôle et qui l’exécute sans jamais remettre en question la chaîne de commandement. C’est ce qu’on attend des agents comme lui, c’est ce qu’on attend de vous, messieurs. »

Il regarda à nouveaux ses agents, qui demeuraient tous imperturbables. « Charlie a été capturé hier par un groupe proche du FSB, lors d’une mission d’infiltration en Pologne. Nous sommes conscients que tous les détails des missions auxquelles Charlie a participé au cours de la dernière décennie seront dévoilés d’ici 48 heures, la durée maximale à laquelle, selon son profil, il pourra résister à un interrogatoire du FSB. Votre mission prioritaire est de le retrouver et s’il est toujours en vie, le ramener d’abord ici pour un debriefing, puis l’exfiltrer en sol américain. La dernière position de géolocalisation connue de Charlie est au café Zascianek à Sopot, une petite communauté de 40,000 habitants située à une dizaine de kilomètres d’ici, au Nord-Ouest de Gdansk. Vous avez donc 24 heures devant vous messieurs, ne perdez pas votre temps. Allez-y! »

Les huit agents sortirent de la pièce, les uns derrière les autres et se séparèrent deux par deux, s’engouffrant ensuite rapidement dans leur véhicule aussi noir que leur veston et démarrèrent sur les chapeaux de roue. Dans le premier véhicule, un agent regardait déjà son cellulaire avec concentration.

– On devrait être au café, dans moins de 9 minutes. Ça nous laissera le temps de goûter à leur fameux CheeseCake, il est super bien coté si je me fie aux commentaires.

– Oui, bonne idée, répliqua l’autre, en faisant crisser les pneus de son bolide dans un virage serré.

Sasha 1er

Publié: 10 février, 2024 dans Écriture, Société
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@AK

Sasha était née en 1901 à Trnava en Slovaquie, une petite communauté très religieuse à 43 km au nord-est de Bratislava, la capitale. On surnommait cette ville « la Rome de la Slovaquie », notamment pour ses nombreuses églises à l’intérieur baroque.

Très tôt, Sasha avait senti l’appel de Dieu et priait avec ferveur plusieurs fois par jour pour le bien-être de tout ceux qu’elle connaissait et même pour ceux qu’elle ne connaissait pas. Les sermons du Curé l’impressionnaient particulièrement et parfois, seule dans sa chambre, elle s’imaginait guider les paroissiens de son village par ses paroles et sa profonde compréhension du message du Christ. On lui fit rapidement comprendre que ce rôle était réservé aux hommes, ce qui la déçue énormément, parce que, sans le dévoiler, elle s’était toujours sentie comme un garçon dans un corps de fille et bien qu’elle se conformait au code vestimentaire imposé par sa mère, elle aurait de beaucoup préféré porter le pantalon. Plus tard, au début de l’adolescence, n’arrivant pas à s’imaginer vivre maritalement, elle s’enrôla chez les Religieuses, à la grande joie de ses parents.

Quand la Slovaquie et la Tchéquie unirent leur destin en 1918, alors que tout séparait ces deux communautés, culturellement et politiquement, Sasha fit le parallèle avec son déchirement intérieur, soit être une seule entité, à la fois garçon dans sa tête et fille dans son corps. À 28 ans, mal dans sa peau et dans sa tête, elle quitta la vie religieuse, coupa ses cheveux et partie vivre incognito sous l’apparence d’un homme.

Après quelques années d’errance, mais toujours animée par une foi profonde et un désir irrépressible d’aider son prochain, elle s’enrôla au séminaire de Spi, en tant qu’homme, dans un parcours la menant à la prêtrise, sans pour autant dévoiler son genre. Son prénom neutre et sa poitrine plate l’aidèrent heureusement à maintenir son secret.

Sasha eut une brillante carrière dans les ordres, marquée par une grande sagesse et sa capacité à amener les gens à s’impliquer et se préoccuper d’autrui. El 1961, âgé de 60 ans, Sasha fut nommé archevêque de Nitra, puis, quelques années plus tard, devint Cardinal de Slovaquie. Apprécié pour ses valeurs de tolérance, pour sa foi, son implication et sa capacité à faire revivre les valeurs propres au catholicisme, son nom circulait déjà depuis un certain temps, comme candidat susceptible d’être élu Pape.

Le 9 août 1980, la fumée blanche le confirma dans son nouveau rôle par une majorité écrasante. Quand on lui demanda de se choisir un nom, il considéra que le sien, neutre, était tout à fait approprié.

12 année plus tard, le 24 septembre 1992, âgée de 91 ans, à la surprise générale et à la consternation de l’Église, Sasha 1er dévoila publiquement son genre de naissance et formalisa légalement le changement, quelques mois à peine, avant que la Tchécoslovaquie ne mette fin à cette union de deux États qui avait été si mal consommée.

Sans capitaine

Publié: 3 février, 2024 dans Écriture, psychologie
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@Alexandra K.

Jeffrey Cummins, les mains menottés à la table d’échange était assis face au psychiatre du pénitencier à sécurité maximum d’Atmore en Alabama pour sa rencontre hebdomadaire avec le Docteur Oxford.

– Je fais toujours le même rêve Doc. Je suis là, sur la plage où j’ai mis mon voilier en mer et je le vois qui part à la dérive au loin, balloté par les vagues avec des dizaines d’autres voiliers laissés eux-aussi sans capitaine et je ne ressens rien du tout, pas même un peu de regret.

– Pourquoi du regret?

– Ben, parce que la voile a toujours été un des seuls plaisirs que j’ai vraiment eu dans la vie, celui qui me fait ressentir ce bouillonnement au creux du ventre, quand je survole les vagues, bousculé par le vent, l’écume au visage avec cette impression de liberté d’affronter l’immensité et la puissance de l’océan qui pourrait me broyer d’une seule main. Je n’aurais jamais laissé mon voilier comme ça à la merci de la mer, du moins pas sans rien ressentir et là, je suis sur la plage et je le regarde s’en aller avec indifférence.

– Oui, je vois, c’est troublant en effet. Décrivez-moi un peu la plage sur laquelle vous vous tenez dans ce rêve.

– Heu, d’accord, attendez…Je suis là, on est à marée basse et il y a un vieux tracteur sur une plage que je crois reconnaitre dans mon rêve, sans vraiment la connaître dans la réalité. Le tracteur ressemble à celui qu’avait mon père sur la ferme quand j’étais gamin. Arrimé au tracteur, il y a une remorque maintenant vide, parce que mon voilier a été mis en mer et qu’il s’éloigne parmi les autres voiliers laissés eux-aussi sans capitaine.

– Il y a beaucoup d’autres voiliers?

– Oui, il y en a des dizaines, tous voguant sans gouvernail, sans capitaine. Je ne comprends pas pourquoi on les a libérés, mais qu’on les laisse ainsi sans capitaine.

– Libéré?

– Oui, enfin, ils sont libres d’aller où ils veulent, mais sans capitaine, un voilier va immanquablement à sa perte. Il va rapidement couler et être englouti par la mer.

-Je vois. Et vous dites que ce tracteur ressemble à celui qu’avait votre père, c’est bien ça?

– Oui, il ressemble beaucoup à celui de mon père, sauf que dans mon rêve il est orange alors que celui de mon père était rouge.

– Pourrait-on dire qu’il est à peu près de la couleur de votre tenue actuelle?

Baissant le regard sur sa tenue prisonnier, Jeffrey le relève ensuite en faisant oui de la tête.

– Qu’est-ce qui vous a mené ici, Jeffrey?

– Toutes ces personnes qui ne méritaient pas de vivre et qui m’avaient fait du mal à moi ou à ma famille. Je sais, dans un sens, que ce que j’ai fait est mal également, mais je vous garantie docteur, que la terre se porte mieux sans ces individus malfaisants.

– Diriez-vous que vous avez libéré la terre de leur présence?

– Oui, Doc, on peut dire cela.

– Et qu’avez-vous ressenti en commettant ces gestes?

– Ben, c’est un peu étrange à dire, Doc, mais j’ai ressenti ce même bouillonnement au creux du ventre, à peu près le même plaisir que lorsque je fais de la voile.