Archives de novembre, 2010

Est-ce qu’au terme de ma vie, je me souviendrai d’aujourd’hui?

Rien n’est écrit.

Libre à moi de faire d’aujourd’hui, une journée qui méritera d’être soulignée.

Nous avons tous des valeurs. Que l’on soit criminel, juge,  chauffeur de taxi ou mendiant, nous avons tous des valeurs.

Pour certains, c’est la loyauté, pour d’autres, c’est la générosité, la bonté, l’altruisme, l’honnêteté, la fidélité ou une combinaison de plusieurs d’entre elles. Une valeur, c’est un principe auquel on tient, qui nous définit, qui est important à nos yeux et qui rends la vie collective plus agréable et plus douce. C’est intimement lié à notre personnalité, souvent hérité du milieu familial ou culturel.

On exprime une valeur avec facilité, naturellement pour certains et avec du travail et de la discipline pour d’autres. Ainsi, quand je refuse de payer au noir pour un travail de plomberie, même si on m’offre de soustraire les taxes du montant de la facture, j’ai le sentiment d’être honnête, d’être un bon citoyen qui agit dans le meilleur intérêt de la société. En donnant à Centraide, en offrant un panier d’épicerie lors de la gignolée, en faisant un don à la Croix-Rouge ou en donnant du sang, j’ai le sentiment d’être généreux. En prenant à coeur le bien-être de mes employés et en les respectant, j’ai le sentiment de faire preuve de bonté.

Mais comment mesure-t-on la profondeur et la solidité de ces valeurs. Sont-elles circonstancielles? Imaginons, par exemple, que je sois sans revenu, qu’on arrive à peine à joindre les deux bouts et que je doivent réparer la plomberie pour une situation d’urgence. Si le plombier m’offre un rabais de taxes en payant comptant, est-ce que mes valeurs d’honnête citoyen tiendront le coup? Ne ferais-je alors pas une entorse à mes valeurs, parce que je n’en ai plus les moyens (et au diable la société)?

C’est ce que j’appelle l’épreuve du feu.

Lorsqu’une valeur que l’on croit détenir se trouve en opposition à nos intérêts pécuniaires ou personnels, lorsque le prix à payer pour la conserver intacte est élevé, on mesure à quel point on la possède vraiment. L’épreuve du feu permet également d’être plus tolérant face à ceux qui trébuchent.

Ghandi disait aussi: « Aucun pays ne s’est jamais élevé sans s’être purifié au feu de la souffrance ».

Je pense qu’il en est de même des individus. Ces moments difficiles ou nos valeurs sont mises à l’épreuve, nous permettent de grandir et d’intégrer ce qu’était jusqu’alors un idéal.

Quand je préparais mon premier voyage à Compostelle, on m’avait fortement conseillé d’amener un sac à dos aussi léger que possible.

« Ton sac à dos sera à la fois ton meilleur ami et ton pire ennemi » m’avait-on dit.

Marcher durant 300 ou 400 kilomètres, en le portant sur ses épaules donne une perspective différente au contenu de son sac. Tout ce  dont on aura besoin durant ces 4 ou 5 semaines, est dans ce sac et évidemment, on ne veut manquer de rien.

De nombreuses personnes, en Chemin, ouvraient leur sac, en refaisaient l’inventaire et se débarrassaient d’une bonne partie du matériel de départ. C’est une leçon très pratico-pratique de ce qu’est l’essentiel. Le plus lourd des fardeaux, dans un sac, ce sont nos peurs. La peur de manquer de quelque chose, nous amène à ajouter un peu de ci, un peu de çà…juste au cas où. Rapidement, les grammes se transforment en kilos et ces ajouts visant à nous sécuriser deviennent alors notre fardeau quotidien et nous rendent la vie plus difficile… inutilement.

C’est très physique. Au fur et à mesure que les kilomètres s’additionnent, on prend douloureusement conscience du poids de nos choix. On réalise alors à quel point nos peurs peuvent contribuer à réduire la qualité du voyage. On révise alors, on refait des choix et on en vient au coeur de ses besoins, on découvre ce qu’est l’essentiel et ma foi, l’expérience est plutôt enrichissante. L’essentiel tient à bien peu de chose finalement, on le réalise rapidement.

Nécessairement, cette expérience m’a amené à faire également des liens, au retour, avec la vie que je mène. Elle m’a permis de m’interroger sur ces peurs qui m’accompagnent au quotidien et pour lesquelles je me suis prémuni de toutes sortes d’artifices pour me sécuriser…juste au cas où. Ces peurs deviennent alors un fardeau qui alourdit inutilement mon voyage.

Voyager léger, c’est accepter de ne pas tout prévoir, c’est accepter de faire possiblement face à un manque, mais c’est surtout se donner la chance d’apprécier son propre voyage ici-bas à chaque pas que l’on pose.