Les commentaires fréquents de mon amie Zed, à l’effet que nous vivons dans une société patriarcale me chatouillent toujours un peu, je l’avoue. C’est un peu comme si on attribuait de nombreux problèmes de notre société aux hommes, qui oppressent les femmes.
Alors ça m’embête, parce que je ne vois pas vraiment cette oppression autour de moi, dans mon entourage ou dans mon milieu de travail. Le Doc Mailloux prétendait pour sa part le contraire, affirmant que nous vivions au Québec dans une société matriarcale, où les femmes ont beaucoup d’ascendant sur « leur homme ».
Alors matriarcale, patriarcale, je ne sais pas trop et j’ai eu envie de réfléchir à la question. Selon ce que j’en ai compris, la dénomination tient essentiellement à deux éléments: L’aspect matrilocal et l’aspect matriliénaire. Le premier terme se résume assez bien par ce dicton « Qui prend mari, prend pays ». En gros, cela signifie que la femme, une fois mariée, va aller vivre avec son mari. Le deuxième aspect, tient surtout à la transmission de la fortune et du statut social à la génération suivante, selon une lignée de père en fils, ou de mère en fille.
Sur ces deux bases, je dirais qu’au Québec, en 2011, on n’est ni dans une société patriarcale, ni matriarcale. Ni les femmes, ni les hommes ne quittent systématiquement leur emploi et leur patelin pour suivre leur conjoint. Ça reste des discussions de couple et on s’organise au mieux. Et pour ce qui est de la transmission de la fortune et du statut social, il se transmet aux générations suivantes, sans vraiment de distinction à savoir que les enfants soient garçon ou fille. Évidemment, notre société est de tradition patriarcale et les signes sont encore assez nombreux, mais je dirais, par contre, qu’ils tendent à s’amoindrir de génération en génération.
Et qu’est-ce que ça donnerait, une société matriarcale?
Sur Wikipédia, je suis tombé sur un article où on parle des Moso, une ethnie du sud-ouest de la Chine qui a les caractéristiques d’une société matriarcale. En voici une description sommaire:
« Cette petite ethnie de 30 000 habitants a longtemps préservé des traditions et des rites particuliers. Traditionnellement, il n’existait pas de mariage, et les enfants demeuraient toute leur vie dans la maison de leur mère. Cela a valu à la région l’intérêt de nombreux ethnologues, et d’abondantes publications. […]
Les mères sont les piliers de la société. Seule l’ascendance féminine est prise en compte et la transmission du nom comme des biens est exclusivement féminine. La notion de père n’est pas inexistante (il existe un mot pour « père »), mais elle est très marginale. Les hommes et les femmes ne vivent pas en couple mais chacun dans sa famille d’origine. Les couples d’amoureux se retrouvent discrètement le soir (au domicile de la femme). Le tabou de l’inceste est particulièrement strict, en particulier entre frères et sœurs (qui logent sous le même toit et se partagent les tâches de la maisonnée). Les liaisons se nouent et se dénouent sans contraintes sociales (même si elles s’accompagnent à l’occasion d’une collaboration privilégiée entre les familles concernées, lors des travaux des champs par exemple). Sans mariage ni infidélité, ce système exclut si radicalement la possession que la jalousie en devient honteuse.
Le partage des tâches entre hommes et femmes est réglé avec précision, mais d’une façon qui varie beaucoup d’une localité à l’autre […] Les femmes organisent l’ensemble de la société, les hommes organisent surtout le travail agricole, où plusieurs familles coopèrent, et réalisent les travaux de force comme le labour. Leur autonomie leur permet d’avoir 3 à 4 enfants par femme indépendamment de la politique de contrôle de la population.
Les enfants sont élevés par les oncles de la mère qui remplacent le père et ils ont de l’affection pour eux comme un père. Les femmes sont fières de leur position sociale et en riant, expliquent que les hommes dans la journée doivent se reposer pour être plus vaillants dans leur lit la nuit durant. Certaines femmes disent demeurer attachées au maintien de ce mode de vie car elles estiment ne vivre avec leur compagnon que des moments d’amour et de sentiments partagés sans que les questions pratiques (du quotidien, de la famille…) s’immiscent dans cette relation. Les aspects matériels, les questions de propriété, les aspects de l’éducation des enfants, tous les sujets dont débattent nécessairement les couples qui vivent ensemble, n’ont qu’une importance secondaire dans la relation entre amants du peuple moso. Il n’y a pas de relations amoureuses (et encore moins de mariages) arrangés ou pire, forcés. Ils se sont choisis et lorsque l’homme se languit d’une compagne, il va la voir.
La mère a un rôle de premier plan dans la famille, ce qui a pu faire dire qu’il s’agissait d’une société « matriarcale » où la mère est chef de famille; en réalité, les frères et sœurs gèrent ensemble les affaires de la famille (les aînés ayant plus d’autorité que les cadets); d’une famille à l’autre, ce peut être un frère ou une sœur qui a le plus d’influence. Une femme âgée prépare une de ses filles à sa succession; il est indispensable qu’une fille lui succède, car si elle n’a que des descendants de sexe masculin, leurs enfants habiteront la maison de leurs mères respectives et la maisonnée privée de descendants s’éteindra. Il n’y a pas de partage du patrimoine à sa mort. La propriété familiale reste la même de générations en générations. »
À quoi ressemblerait le Québec dans un tel contexte?