Archives de septembre, 2015

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant d’une photo de Julien Ribot, écrire, sans censure, juste pour le plaisir d’écrire.

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– Elles ne sont pas très belles vos carottes.

– Évidemment, ce sont des légumes moches. Vous savez, ces légumes qui ont poussé de façon tout à fait naturelle, sans engrais ni pesticide, mais dont personne ne veut, parce qu’ils sont moins beaux et coûtent plus cher. Pourtant, mes carottes sont meilleures au goût et contiennent plus de vitamines que les carottes commerciales. Mais que voulez-vous,nous vivons dans un monde superficiel où les seuls critères sont l’apparence et le coût. Vous vous souvenez du film « Soleil vert »?

– Non, pas vraiment.

– Peu importe…en fait l’idée c’est que très bientôt, compte tenu de la surpopulation et du manque flagrant de ressources alimentaires on arrivera fatalement à la conclusion que la crémation est un gaspillage et qu’il serait préférable d’en faire une sorte de pâte d’où on aura éliminé les bactéries et agents infectieux. À l’aide de modeleur 3D, de cette pâte et de saveurs artificielles, on fabriquera ainsi de quoi alimenter la vie humaine à partie de ce qui est mort. Ce sera beau, esthétique et vraiment pas cher.

– C’est un peu morbide ce que vous dites-là, monsieur.

– En effet. Alors, vous les voulez ces carottes ou pas?

– Heu…en fait, non merci…ca va aller.

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant de cette photo de Leiloona, écrire, juste pour le plaisir d’écrire.

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Il avait suffit d’un battement de cœur pour orienter la vie et les croyances du jeune Gabriel. À l’époque, il avait 9 ans. Un matin de septembre, alors qu’il parcourait nonchalamment la grève à marée basse, il avait vu de ses yeux vu, le battement de cœur d’une pierre qui se dorait au soleil sans savoir qu’elle était observée. Ce fut pour lui une stupéfiante révélation. La vérité s’imposait dramatiquement: Les pierres sont vivantes. Vivantes! À compter de cet instant, Gabriel commença à recueillir obsessivement des pierres pour peupler son zoo minéral. Elles étaient toutes uniques de par leur forme, leur couleur, leur texture. Il aimait les classer et reclasser encore et encore selon les différentes catégories et le soir avant de s’endormir, il s’installait à plat ventre, au bout de son lit et observait pendant de longues minutes sa collection étalée sur sa table de travail, souhaitant secrètement être à nouveau témoin d’un battement de cœur. En vain.

Ce moment unique l’avait cependant amené à élaborer une théorie sur la vie des pierres. Ainsi, selon Gabriel, les pierres vivent tout simplement à un rythme totalement différent du nôtre et surtout infiniment plus lent. Elles peuvent vivre des milliers, voire des millions d’années, mais leur cœur ne bat qu’à un rythme d’un battement par dizaine ou même par centaine d’années. C’est pourquoi on dit qu’elles sont faites de matière inerte, mais ce qu’on croit être sans vie ne l’est pas forcément. Dirait-on, par exemple, qu’un colibri est plus vivant qu’un être humain parce que son cœur cadence à 1200 battements par minute? Mais non, la vie c’est la vie. Alors, selon la même logique, un cœur qui bat à un rythme extrêmement lent n’est pas sans vie pour autant.

En grandissant, Gabriel étendit sa théorie à toutes les matières dites inertes et sa perception du monde évolua en ce sens. Que ce soit, un bout de papier, un bibelot, une chaise, un livre ou une fourchette, Gabriel accorda à tous ces objets, la même attention que s’il caressait un chaton. Il développa ainsi une solidarité très forte à tout ce qui l’entoure et du coup se senti toujours en communion intime avec l’immensité de l’univers vivant. Ne me croyez pas sur parole, répétait Gabriel. Essayez-le par vous-même. Touchez un objet autour de vous qui vous semble inerte, allez faites-le, caressez-le doucement du bout du doigt, imaginez-y la vie et vous verrez bien.

Atelier d’écriture de Leiloona:

En s’inspirant d’une photo de Maman Baobab, écrire, juste pour le plaisir d’écrire.

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Quand j’étais enfant, j’aimais beaucoup aller visiter mon grand-oncle Albert à la campagne. Il était propriétaire d’une fermette située tout au bout du rang des Trentes, à Ste-Émilie de l’Énergie. Albert était un bon vivant, toujours souriant et qui avait réponse à tout, mais avec ce genre de réponse qui étonne parfois et laisse songeur. Cet après-midi là, il ventait énormément et j’avais apporté avec moi, un petit moulin à vent que je possédais depuis que ma mère en avait distribué lors de la fête pour célébrer mes 7 ans. Sous le vent, il tournait à plein régime sans que je n’ai besoin de courir pour le mettre en mouvement. J’avais alors constaté un étrange phénomène: Quand il tournait ainsi très vite, mon moulin à vent se transformait. Les couleurs distinctes de chacune des pales s’estompaient progressivement pour être remplacées par un même jaune uniforme. Curieux, j’avais demandé à l’oncle Albert de m’expliquer pourquoi c’était ainsi. Il n’a pas changé de couleur, me répondit Albert, c’est juste ton œil qui est incapable de s’adapter à la vitesse, de sorte qu’il ne distingue plus les couleurs. D’ailleurs, tu verras, c’est aussi comme ça chez les grandes personnes. En grandissant, elles ont tendance à aller de plus en plus vite et voir tout en gris. Il leur suffirait pourtant de ralentir un peu le rythme pour redécouvrir la diversité des couleurs qui sont pourtant là. Encore aujourd’hui, quand tout me semble gris, je me souviens de ces paroles de l’oncle Albert et je ralenti, je respire un grand coup et je porte attention à ce qui m’entoure.

jeans3Vient un temps, après quelques décennies où l’amour est comparable à votre paire de Jeans préférée. Il épouse désormais si bien vos formes qu’il semble avoir été conçu spécialement pour vous. Bien sûr, il est peut-être un peu abîmé, il a bien quelques accrocs ici et là, mais en même temps, ces parties fragilisées sont aussi celles qui sont les plus douces. Il est unique, irremplaçable et vous en prenez grand soin, parce que vous savez très bien que nulle autre paire, même une neuve ne vous retournerait une image de vous-même à la fois si positive et confortable. Il vous accompagne dans les moments intimes importants, comme un ami  fidèle et réconfortant et vous le portez fièrement en espérant le garder pour toujours avec vous à l’abri du temps.