Flotte dans l’air, l’odeur agréable de bois brûlé qui s’échappe par la petite cheminée des cabanes à pêche. Tout autour, c’est blanc, éclatant et dès que le soleil se met de la partie, on est forcé de plisser les yeux devant cette éblouissante lumière. Le calme domine. Au loin, on entend à peine les bribes de dialogue d’autres pêcheurs, ou leurs éclats de joie quand ils ont une belle prise. Ce qui domine, cependant, c’est le silence et évidemment, le bruit de nos bottes de skidoo qui crounchent dans la neige. On est à Venise-en-Québec. On est venu pêcher sur la glace.
J’ai probablement 9 ou 10 ans. Mon père a loué une cabane pour la saison et on y vient à presque tous les weekends. J’aime ces journées hors du temps. Quand on arrive à la cabane, c’est toujours un peu le même rituel. On débarre le gros cadenas qui verrouille la porte de la cabane et on entre y déposer la glacière dans laquelle ma mère y a mis nos lunchs pour la journée. Puis, mon père allume un feu dans le poêle à bois. Peu après, à l’extérieur de la cabane, il envoie la main au responsable du site qui passe régulièrement avec son camion pour lui commander une douzaine de trous. Le monsieur au teint basané, casquette à oreilles rabattues, cigarette au bec et habit de skidoo une-pièce descend avec sa bruyante perceuse au gaz pour aligner deux rangées de 6 trous près de la cabane. C’est $1 le trou. Il perce des trous cylindriques d’une profondeur de 60 à 70 centimètres et d’une vingtaine de centimètres de diamètre. Dès qu’il perce complètement la glace, l’eau s’engouffre par le trou, remonte rapidement à la surface et déborde légèrement sur la glace. Il passe au trou suivant. On installe ensuite les brinbales, en les piquant dans la neige et en la renforçant d’un petit monticule de neige crystalisée. Avec une grosse passoire, on soulève les ménés dans la chaudière et on en prend un dont on transperce le dos avec l’hameçon, juste sous l’aileron dorsal pour qu’il reste bien vivant et paraisse appétissant pour les prédateurs. On descend ensuite la ligne dans le trou à bonne profondeur, mais sans toucher le fond. L’appât ira nager là sous la glace. Puis, l’attente débute. On sort les chaises de parterre quadrillées de bandes plastifiées jaune ou verte, qu’on appuie dos à la cabane et on s’y installe. Au bout d’un certain temps, on se lève pour une tournée de déglaçage. On prend la passoire de la chaudière à ménés et on s’en sert pour enlever la glace qui commence à se former à la surface des trous. Il faut éviter que ça ne gèle.
Il y a deux scénarios qui ne présentent quand le poisson mord. Soit on voit une brinbale sauter légèrement, soit on la voit carrément piquer du nez. Dans le premier cas, on se lève et on approche lentement de la brinbale. On prend la ligne à main nue et au moment opportun on donne un petit coup sec pour accrocher le poisson. Dans l’autre cas, quand la ligne pique du nez, on part à la course pour remonter le poisson. De la perchaude, du crapet soleil, parfois de l’achigan et plus rarement du brochet. Du poisson que l’on ramenait et que mon père arrangeait en filet de retour à la maison. J’aimais le poisson, pas les arêtes, mais j’adorais la pêche sur la glace. Que de beaux souvenirs.