Près de chez moi, il y a un étang où une bande de colverts ont élu domicile. Je ne sais pas si ce sont toujours les mêmes qui reviennent, mais à chaque année, ils sont là. Plutôt timides au printemps durant la période nuptiale, ils s’accomodent très bien de la présence humaine un peu plus tard, quand les petits sont venus au monde.
Comme il y a un parc, juste à côté de l’étang, il est fréquent de voir des passants s’arrêter pour leur donner des petits morceaux de pain et les canards ont vite compris. Il a suffit que je m’asseois sur un banc à proximité pour qu’ils s’approchent rapidement et sans crainte, en espérant que j’aie un peu de pain à leur offrir.
Au départ, je pensais qu’il n’y avait que des femelles et des juvéniles nés plus tôt au printemps, mais en lisant un peu sur le sujet j’ai appris que les mâles affichant une magnifique tête verte en période d’accouplement, muaient et redevenaient bruns une fois la période passée.
Comme dans toutes les espèces, on voit des individus dominants, qui s’imposent généralement par leur mauvais caractère, repoussant à coup de bec ceux qui sont trop près de la zone stratégique où ils prévoient que l’on jettera le prochain morceau de pain.
Pour ma part, j’ai plutôt eu un faible pour un d’entre eux, avec une patte soit paralysée, soit cassée et qui tentait d’approcher. C’est à lui que j’ai donné la part du lion. Je sais que dans la nature, ceux qui sont faibles ou blessés sont généralement les premiers éliminés, parce que c’est par la multiplication des plus forts qu’une espèce domine éventuellement son environnement, mais c’est une règle qui m’a toujours parue cruelle. Il me semble qu’on devrait mesurer la force d’une société à la façon dont elle prend soin des plus démunis.