Archives de mars, 2017

souche
La folie avait débuté suite à un article paru dans le journal local et qui titrait: « L’arbre qui parle aux morts ».
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À prime abord, c’était une histoire invraisemblable qui sentait l’arnaque: Un arbre centenaire planté au beau milieu du cimetière de Sainte-Marthe-des-pas-perdus permettait aux gens décédés de communiquer avec le monde des vivants. Le mécanisme semblait relativement simple, voire simpliste. Il suffisait à un vivant, n’importe qui, d’attacher un petit bout de papier à une branche et dans les jours qui suivaient, un message provenant de l’au-delà y apparaissait comme par magie.
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Suite à la parution du journal, la rumeur s’était répandue comme une traînée de poudre dans le village et rapidement, s’étaient multipliés le nombre de bouts de papier attachés à l’arbre qui parle.  Les messages étaient de différentes natures, parfois gentils, parfois moins, mais ce qui rendait le phénomène stupéfiant c’est que tous reconnaissaient de façon formelle l’écriture manuscrite et le style littéraire des personnes décédées. On avait bien tenté de démasquer l’imposture, mais sans y parvenir. Les messages n’y apparaissaient que la nuit et sans témoin. Si quiconque tentait d’observer le phénomène en direct ou par une caméra de surveillance, rien ne se produisait cette nuit-là. Les sceptiques crièrent à la supercherie, mais faute de pouvoir la démontrer, la croyance populaire l’emporta et face aux pressions de la population locale, le conseil de ville embaucha des gardiens de sécurité qu’ils postèrent en périphérie du cimetière pour empêcher quiconque de s’en approcher la nuit. On assurait ainsi la fluidité des communications avec l’autre monde.
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La nouvelle se répandit progressivement dans la région, puis plus loin encore, de sorte qu’en quelques semaines, le village fut littéralement envahit par une foule de curieux venant quotidiennement faire la file, soit pour attacher leur ficelle et bout de papier soit pour prendre connaissance du message qui leur était adressé. On n’avait jamais vu un cimetière aussi rempli de gens vivants.
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Puis, peu à peu, un malaise s’installa au sein de la population. La nature humaine étant ce qu’elle est, les gens ne se contentèrent pas de lire uniquement les messages qui leurs étaient adressés, de sorte que des tas de secrets que l’on croyait enfouis avec les défunts commencèrent a refaire surface et se répandre en ragot un peu partout dans les villes environnantes. À la lumière de certaines informations, les autorités policières reçurent même de la pression pour ouvrir certaines enquêtes, notamment une concernant le Colonel Preston.
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L’épouse du Colonel Preston était décédée l’année précédente de mort naturelle, c’est du moins ce qu’indiquait le certificat de décès. Or, à peine 2 mois après l’incinération, une plantureuse blonde était venue s’installer dans la résidence du colonel, ce qui avait suscité toutes sortes de rumeurs sur les causes du décès. En outre, pour ajouter aux rumeurs, depuis quelques jours, l’épouse défunte était devenue passablement volubile. Elle avait ainsi laissé entendre, par arbre interposé, qu’elle dévoilerait bientôt une cruelle vérité.
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Or, le lendemain matin, peu après le lever du soleil, alors que les gardiens avaient quitté leurs postes de garde, quelqu’un s’introduisit dans le cimetière, une hache à la main et l’arbre bavard fut réduit au silence. Comme on s’en doutait, l’enquête menée par les policiers identifia le Colonel comme responsable de la mort de l’arbre, mais faute de mieux, on dû se contenter de l’accuser de méfait public de sorte qu’il écopa d’une amende ridicule, malgré les vives protestations de la population.
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L’arrogant Colonel se cru ainsi rassuré et à l’abri des témoignages d’outre-tombe et dans les semaines qui suivirent, on le vit régulièrement parader effrontément dans les rues du village, affichant fièrement son uniforme, ses médailles et sa plantureuse petite amie.
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Sa conduite victorieuse fut tout de même assez brève, puisqu’au printemps suivant, une énergique petite repousse vint pointer son nez au sommet de la défunte souche, annonçant ainsi la reprise éventuelle des témoignages de l’au-delà.

Quelle famille!

Publié: 11 mars, 2017 dans Bonheur

Au retour de Houston, hier, j’étais assis dans l’avion au côté d’une jeune maman qui voyageait seule avec ses trois jeunes enfants de 8 mois, 3 et 5 ans, dont un passablement actif. C’est du sport de gérer ainsi un voyage d’un peu plus de 4 heures avec une si jeune famille sans que ça ne tourne à la catastrophe. Elle semblait pourtant plutôt zen face à tout cela et s’était bien préparée pour les tenir occupés, avec des jouets, des livres, tablettes électroniques avec la série passe-partout. J’ai mis à profit mes compétences de jeune grand-papa pour lui donner un coup de main, soit en tenant sa souriante petite puce dans mes bras le temps qu’elle s’occupe des deux autres, soit en lisant un livre à son plus jeune fils de 3 ans à un autre moment, ou en discutant sérieusement avec lui au sujet des rivets posés partout sur les ailes de l’avion et qui l’intriguaient beaucoup.

En jasant un peu avec elle, j’ai vite compris qu’ils menaient une vie de famille très très active et un peu atypique. Résidents de Houston depuis quelques années, ils venaient à Montréal pour passer quelques jours en famille. Lui, ingénieur pour l’Agence Spatiale Canadienne, basé à Houston depuis 8 ans et voyageant beaucoup pour son travail, elle, médecin pour une communauté inuit du grand nord, donnant des consultations à distance une partie de l’année et se rendant sur place le reste du temps. Elle s’apprêtait d’ailleurs à retourner dans ce village inuit pour quelques semaines de consultations cliniques en y amenant son bébé et sa cousine. Pendant ce temps, son mari reviendrait à Houston avec les deux plus vieux et la belle-maman. Ouf, quelle famille!